2016 - La grâce innatendue
Millésime 2016 – La grâce inattendue
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2016 fut une année paradoxale : un printemps détrempé, un été brûlant, puis un automne miraculeux.
Les cabernets ont atteint une maturité idéale, donnant des rouges denses et frais à la fois.
Rive droite et rive gauche signent l’un des ensembles les plus homogènes des vingt dernières années.
Les blancs secs sont précis, les liquoreux charmeurs sans excès.
Un millésime de garde, mais déjà irrésistible par son équilibre.
Analyse météo
Le cycle végétatif de 2016 fut tout sauf tranquille : un printemps pluvieux et frais ralentit la croissance et favorise la pression du mildiou. Puis, à partir de juillet, un été chaud et sec s’installe ; certaines vignes bloquent, les raisins restent petits et concentrés.
La pluie attendue en septembre arrive au bon moment : elle relance la maturation sans gonfler les baies. S’ensuit un « été indien » idéal : journées lumineuses, nuits fraîches, vendanges tardives jusqu’à mi-octobre.
Résultat : des raisins parfaitement mûrs, riches en anthocyanes, dotés d’une acidité fine et de tanins polis. 2016 conjugue densité et fraîcheur, puissance et droiture – un équilibre rarissime.
Rive droite
Les merlots et cabernets francs s’épanouissent sur les argiles et calcaires encore frais après la sécheresse estivale.
Les vins de Saint-Émilion sont denses mais aériens, avec un fruit noir pur, des tanins serrés et une trame minérale remarquable. Pavie Macquin, Larcis Ducasse, Canon, Clos Fourtet et Troplong Mondot illustrent cette grâce tranquille.
À Pomerol, on retrouve la même élégance : Petit Village, Gazin et Clinet combinent ampleur et fraîcheur.
Les Côtes de Castillon et Francs atteignent un niveau historique : Clos Puy Arnaud, Joanin Bécot et Domaine de l’A rivalisent avec les grands crus classés par leur profondeur et leur énergie.
En Fronsac, Fontenil et Vray Canon Bouché livrent des vins pleins, savoureux, aux tanins veloutés.
Rive gauche
Année d’une homogénéité exceptionnelle.
Dans le Médoc, les cabernets ont mûri lentement, gagnant en complexité aromatique. Saint-Julien est l’appellation la plus régulière : Léoville Barton, Gruaud Larose, Beychevelle et Talbot brillent par leur équilibre.
À Pauillac, la densité est au rendez-vous : Pichon Comtesse, Lynch-Bages, Pontet-Canet, Haut-Bages Libéral, d’Armailhac et Grand Puy Ducasse combinent puissance et finesse.
Saint-Estèphe surprend par sa tendresse tannique : Calon-Ségur, Lafon Rochet et Haut-Marbuzet signent des vins d’un éclat rare.
Margaux, en revanche, reste plus inégale : fruit parfois cuit, mais de belles réussites chez Brane-Cantenac, Lascombes et Du Tertre.
En Pessac-Léognan rouge, Domaine de Chevalier, Smith Haut Lafitte et Pape Clément confirment leur rang.
Blancs secs
2016 n’est pas une grande année de blancs, mais les réussites sont nettes sur les terroirs de graves profondes.
Les vins sont aromatiques, tendus, mais un peu moins charnus que 2015 ou 2010.
Les meilleurs : Domaine de Chevalier, Fieuzal, Latour Martillac, Malartic-Lagravière, Smith Haut Lafitte et Carbonnieux.
Dans l’Entre-Deux-Mers, quelques vins comme Tour de Mirambeau et Fontenille séduisent par leur vivacité.
Liquoreux
2016 fut un millésime de passerillage plus que de botrytisation. Peu de concentration extrême, mais un équilibre sucre/fraîcheur parfaitement maîtrisé.
Les vins sont floraux, fruités, digestes.
Yquem, De Fargues, Coutet, Doisy-Daëne, Guiraud, Rabaud-Promis et La Tour Blanche signent des bouteilles gourmandes et pures.
Dans les appellations voisines, Loupiac et Cadillac offrent des vins charmeurs (Grand Peyruchet, Château du Mont).
Conclusion
2016 réconcilie classicisme et modernité.
Les rouges affichent une régularité exceptionnelle : fruit pur, tanins raffinés, fraîcheur en finale.
Les blancs sont équilibrés, les liquoreux charmeurs sans lourdeur.
Un millésime de grande garde, mais aussi d’harmonie immédiate : la grâce bordelaise dans ce qu’elle a de plus précis.
Pari sur les seconds vins : un pari risqué sans mesure ni raison
Je lis ici et là depuis un mois que les amateurs doivent s’intéresser aux seconds vins pour faire des affaires. J'émets personnellement de la réserve sur ces propos.
Fin août début septembre, la véraison puis la maturité ont été particulièrement hétérogènes d'un pied à l'autre ou sur un même pied. Certes, de nombreuses parcelles en surcharge ont permis aux vignerons de faire tomber du raisin avant la récolte afin d’homogénéiser la future vendange et mieux la concentrer. De plus, cet afflux de vendange a permis aisément aux vignerons de faire des tris confortables en ce qui concerne la qualité des raisins destinés au premier vin.
A présent ne rêvons pas, le miracle de septembre-octobre n'a pas sublimé toutes les parcelles et certaines ont boité jusqu'à la récolte.
Autrement dit, personnellement, entre 15 et 30 € la bouteille, je préfère faire le choix d'un fleuron de Castillon, Fronsac ou plus modeste Pessac-Léognan, plutôt que celui d'un second vin d'un cru classé. Certains sont bons, mais au vu de mes dégustations je n’en ferais sûrement pas une généralité.
Le tour des appellations
Bordeaux et Bordeaux Supérieur
Une trop vaste région pour faire des généralités, néanmoins voici un groupe où de très nombreuses perles sont à dénicher.
Coups de cœur : Château Girolate, Château Le Pin Beausoleil, Château L'Isle Fort, Château Jean Faux cuvée Les Sources, Château Pey La Tour cuvée Réserve, Château Croix Mouton, Château Gree Laroque.
Blaye Côtes de Bordeaux et Blaye
Les Blayais n'ont peut-être pas vinifié un grand millésime puissant et dodu, en revanche l'ensemble des vins est très homogène, frais, fruité et bien équilibré. Certains ont une belle chair gourmande.
Coups de cœur : Château Bel Air La Royère, Château Beaulieu cuvée Absolu, Château Le Viroux cuvée Sublimus, Château Magdelaine Bouhou, Château Morillon cuvée Blason, Château Haut Prieur, Château Dubro cuvée Grand Vin, Château Gigault cuvée Viva, Château Haut Colombier.
Bourg Côtes de Bordeaux
Une appellation relativement homogène, des vins pleins de fruits et de fraîcheur.
Coups de cœur : Château Guiraud cuvée Péché du Roy, Château Castel La Rose, Château Haut Macô, Château de Côts cuvée Tradition, Château Puybarde cuvée Tradition, Château de la Grave cuvée Caractère, Château Gros Moulin cuvée Per Vitem Ad Vitam.
Cadillac Côtes de Bordeaux
Plus de disparité dans ce groupe, des vins simples et des vins plus sérieux, mais toujours sous le signe de la fraîcheur et du fruité, avec un peu plus d’astringence que d’autres appellations de côtes, souvent liées à un encépagement plus riche en cabernet sauvignon.
Coups de cœur : Château Réaut, Château Haut Coullon, Château Suau, Château Reynon, Château Anniche, Château Laroche cuvée Élise, Château Saint Nicholas, Château Tour du Videau, et un coup de cœur très particulier au Château Ricaud avec ses presque 80 % de cabernet sauvignon et 6 % de petits verdots !
Castillon Côtes de Bordeaux
Tous les vins ne jouent pas dans la même cour, mais c’est ici que l’on trouve le plus de densité et de profondeur.
Coups de cœur : Château d'Aiguilhe, Clos des Lunelles, Château Joanin Bécot, Domaine de l'A, Château Veyry, Clos Puy Arnaud, Château Ampelia.
Francs Côtes de Bordeaux
Sans doute la plus petite appellation bordelaise en terme de crus, mais pas des moindres en terme de qualité.
Coups de cœur : Château Ad Francos, Château Godard Bellevue, Château Nardou, Château Laulan, Château Marsau, Clos Fontaine.
Fronsac / Canon Fronsac
Du haut niveau au pays des molasses du Fronsadais : du fruit, de la fraîcheur, de la densité et de l’intensité.
Coups de cœur : Château Vray Canon Bouché, Château Fontenil, Château Moulin Haut Laroque, Château La Vieille Cure, Château La Rousselle.
Saint-Émilion
Les crus sont nombreux et certains placent la barre très haut. Sauf exception, j'ai été très peu déçu par les Saint-Émilion. Le fruit, la fraîcheur, la tenue, la longueur, la profondeur et souvent l’élégance sont bien présents.
Coups de cœur : Premiers Grands Crus Classés : Château Trottevieille, Château Beauséjour Duffau Lagarosse, Château Troplong Mondot, Clos Fourtet, Château Canon, Château Pavie Macquin, Château Larcis Ducasse.
Grands Crus Classés : Château Berliquet, Château Pavie Decesse, Château Monbousquet, Château Balestard la Tonelle, Château Villemaurine.
Grands Crus : Château Tour de Capet, Château Rol Valentin, Château Laforge cuvée Astéries, Clos des Menuts cuvée Excellence.
Pomerol
Très haut niveau à Pomerol pour certains et très bon niveau pour l’ensemble. Parfois les finales manquent un peu d’élégance, mais l’élevage devrait faire le travail.
Coups de cœur : Château Petit Village, Château Gazin, Château Le Bon Pasteur, Château La Croix de Gay, Château Beauregard, Château Clinet, Château La Pointe, Clos René.
Graves et Pessac-Léognan
Une très belle réussite sur ce millésime 2016, nettement supérieure à 2015, en particulier pour Pessac-Léognan qui affiche une singulière homogénéité.
Coups de cœur : Château Pape Clément, Château Latour Martillac, Château Malartic La Gravière, Château Olivier, Château La Louvière, Château Smith Haut Lafitte, Domaine de Chevalier, Château Larrivet Haut Brion, Château Carbonnieux, Château Pique Caillou, Château Ferrande, Château Chantegrive, Château Rahoul.
Saint-Julien, Pauillac, Saint-Estèphe
Les appellations phares du millésime.
Coups de cœur : Château Beychevelle, Château Léoville Barton, Château Branaire Ducru, Château Gruaud Larose, Château Pichon Comtesse, Château Lynch-Bages, Château d’Armailhac, Château Haut Bages Libéral, Château Grand Puy Ducasse, Château Calon Ségur, Château Lafon Rochet, Château Haut-Marbuzet.
Un Bordeaux de classicisme et de plaisir :
2016, c’est l’année où chaque rive a donné le meilleur d’elle-même — des vins précis, digestes, pleins de fraîcheur et d’équilibre, fidèles à leur terroir.