Portrait : Thierry Valette

Thierry Valette, 3 ans après [Archive 2003]

Clos Puy Arnaud

33350 Belvès de Castillon

Réseaux : https://www.instagram.com/clospuyarnaud/

Tel : 05 57 47 90 33

Après le 3ème millésime, quel micro bilan faites vous de votre installation ?

« Je m’étais bien préparé à la difficulté, finalement peut-être pas suffisamment, mais tant mieux : certains de mes choix de départ se révèlent assez inconscients et c’est heureux ; si j’en avais été averti, il est fort probable que je ne les aurais pas appliqués.  Cette inconscience nous a permis de signer des bouteilles qui révèlent un terroir ».

Cette inconscience devenue consciente à t-elle influencé les deux millésimes suivants ?

« Sur le plan de l’élaboration des vins : absolument pas. Nous avons suivi le même protocole, les même exigences avec les deux derniers millésimes. Ce qui évolue très certainement, c’est l’émergence d’une signature personnelle. Sur le premier millésime, Stéphane (Derenoncour) est à l’origine de bon nombre des décisions prises, Depuis, j’ai appris à les anticiper.

Il demeure cependant primordial - apprendre à juger de la douceur, du juste équilibre - finesse et puissance, apparemment opposées et qui concourent, bien conjuguées, à la qualité des grands vins - voilà une tâche difficile ».

Clos Puy Arnaud est géré en «bio » jusqu’aux peintures des bâtisses d’habitation, qu’est ce que cela veut dire et surtout ,est- ce raisonnable ?

Le «bio » est une philosophie.

Elle impose la non utilisation des produits de synthèse et, pour l’agriculture en particulier, la non utilisation d’herbicide. Ce qui signifie travailler son vignoble avec des purins, de prêle, d’orties, et différentes tisanes de plantes.

Bien évidemment, il y a un prix à payer et nous avons reçu la facture en 2001, plus lourde encore en 2002. 

Elle ne concerne pas le chai : une fois trouvée l’adéquation entre vinification et terroir ,tout va bien d’une année sur l’autre, bien sûr il faut avoir quelques petites intuitions chaque année en fonction du millésime, mais cela s’arrête là. En revanche, dans les vignes c’est bien plus compliqué. En agronomie, il n y a pas de solution : chaque décision a sa contre-indication et donc, il est nécessaire de gérer toutes ces contradictions. Par exemple, vous cherchez à produire un grand vin, nous savons que pour produire un grand vin il faut que la vigne souffre, pourtant, des sols travaillés biologiquement reprennent vie et peuvent devenir trop en vie. A ce moment là, la vigne ne souffre plus ».

Pratiquement, vous avez tout de même beaucoup perdu en volume de récolte, 18000 bouteilles produites en 2000, vous n’en faites que 13000 en 2001 et peut-être moitié moins en 2002, vendangé à 17hl/ha. Cela fait cher le « bio » non ?

Non, il peut m’arriver de l’incriminer dans des périodes de «blues » mais ce n’est pas tant le problème de la culture bio. Cette année 2002 est marquée par la coulure et le millerandage et je connais des propriétés menées en lutte intégrée, usant donc de produit systémique, dont la récolte est passée de 45 hl/ha à 22hl/ha. Finalement, ma baisse de rendement reste dans une moyenne normale. Non, cette baisse de volume, c’est le prix de la qualité. Dans l’avenir, j’espère tout de même ne pas rencontrer trop de rendement si bas mais, en principe, cela devrait s’arranger : nous avons redonné vie à la terre, nous avons redonné vie au pied de vigne…la nature a ses excès…il faut lui laisser le temps de retrouver son équilibre.

En tous cas, aujourd’hui, pour avoir dans nos vins une qualité de fruit et une révélation de terroir, je ne sais vraiment pas comment nous pouvons faire autrement que de conduire le vignoble en «bio »  ».

Justement, l’avenir de Clos Puy Arnaud, ses exigences qualitatives, ses exigences d’éthique «bio » , vous le voyez comment ?

Dans la catégorie des bons vins, celle que nous pourrions assimiler aux médailles d’or, il y a beaucoup de monde et cela rend la situation délicate, mais notre catégorie est encore un créneau de niche. Pour l’instant, à Clos Puy Arnaud, nous vivons au dessus de nos moyens ; certes par rapport à l’appellation, nous faisons partie des vins chers, mais 8 € en 2000 et même 11€ en 2001 ne sont malheureusement pas suffisants. Pour nous, l’exploitation sera viable lorsque nous atteindrons 15€. Bien sûr, pour le consommateur, se rajoute le problème du surcoût de la place qui multiplie par 2, souvent par 2,5 le prix de nos bouteilles – cependant, se passer de la place, c’est s’occuper de notre propre commercialisation : c’est un autre métier, un autre emploi du temps.

Je suis assez confiant, nous sommes bien placés rapport qualité/prix, évidemment nos vins sont chers mais je pense qu’à qualité égale, beaucoup de vins sont bien plus chers.

Aussi faut-il bien gérer son marché afin que les vins ne deviennent pas inabordables car ils ne s’adresseraient alors qu’à des consommateurs peu connaisseurs, des golden boys qui repartent aussi vite qu’ils sont venus ».

Très bon

Dégustation Pervenche Puy Arnaud 2001

Nez dominé par le bois, l’agitation révèle de discrètes notes de confiture de mûre et quelques notes crémeuses.

Attaque pleine et franche marquée par le bois – évolution de bonne ampleur, chaude, le fruit discret a du mal à se faire une place au milieu des notes de bois grillées, vanillée, fortement dominantes, et l’alcool accentuant sa présence – bonne tenue et bonne longueur, finale sur des petites notes de cerises et de bois évidemment, curieusement la finale n’est pas chaude comme le présumait la présence alcoolique en milieu de bouche.

C’est également un très beau vin, encore bien fougueux, il est aussi dégusté juste en levée de colle. Cependant il est à craindre que le boisé reste un peu excessif, et que les allures vineuses d’une oxydation plus avancée ne lui fasse perdre de la fraîcheur (comparativement au 2000 bien entendu). Ce second vin demeure cependant dans la catégorie des meilleurs Saint-Emilion grand cru.

SUPERBE

Dégustation Pervenche Puy Arnaud 2000

Très joli nez dominé par le cassis, quelques notes boisé tendre, quelques touches poivré, le tout dans une harmonie fondue et doucereuse.

Attaque pleine et gourmande –évolution de belle ampleur même superbe pour un second vin – un tanin crayeux vient donner davantage de fermeté, le fruit se donne et impression doucereuse tout au long de la bouche aidé par un alcool présent mais pas excessif. Très bonne tenue, longueur correcte à bonne, finale en continu, sur le fruit frais puis évoluant cuit, cerises, très léger alcool et toujours cette touche crayeuse du tanin.

Un second vin meilleur que beaucoup de premiers vins de l’appellation. Indiscutablement d’un superbe rapport qualité prix.

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